F(EAU)CUS : BERDER par stéphane jubier

Berder, "vidé" pendant une marée basse

Berder, ses belles années

J'ai connu cet endroit en 1996 lors d'une sortie club , on y apprenait à faire nos premiers bacs, reprises et stops. Certains surfaient leur première vague statique et les plus affutés s'amusaient à mettre leur kayak à la verticale en faisant des chandelles ... le rodéo n'existait pas encore en France mais ces kayakistes en prenaient déjà la direction !
C'est le spot de Berder qui me poussera à m'orienter vers le rodéo. En 1997 je m'offre un Shark et commence à imiter les anciens ! C'est à celui qui enverra le plus de chandelles, ancrages, crêpes ! Les années passent, le matériel et la discipline évoluent. Les figures aussi ! Elles deviennent plus pointues, le Cartwheel (enchainement de deux pointes verticales ou plus) devient le mouvement a réaliser ! Berder devient THE PLAYSPOT du grand ouest, tout le monde s'équipe d'un kayak Freestyle et on commence à voir de nouvelles figures (flatspin 360 , loop, blunt, splitwheel...).
En 2006 je décide de partir m'installer à proximité du spot pour ne plus rater de marées et je profite d'une centaine de journées de navigation par ans sur un spot de grande qualité. Spot que nous ferons évoluer en arrangeant les fonds rocheux pour parfaire les vagues.

                             Berder à son apogée

Le spot, structure et fonctionnement

Les rapides de Berder sont utilisables pendant 2 a 3h en marée montante et 1 heure en marée descendante. Voici une description de chaque vague, dans leur ordre d'apparition :   

Marée montante
1 : la première vague, parfaite pour apprendre à surfer ou s'initier aux 360. Idéale pour un premier contact avec l'eau vive.
2 : cette vague fut crée par nos soins en 2008, c'était certainement l'une des meilleures. En 45 minutes elle passait de gros rouleaux très méchants à une magnifique vague lisse en V qui s'aplatissait jusqu'à disparaitre. Toutes les figures y étaient possibles (cartwheel ,loop, blunt ,helix ....) ... Même des surfeurs l'utilisaient parfois.
3 : cette vague était plutôt un gros rouleau, qui pouvait être très puissant, avec une diagonale. C'était le principal du spot, celui qu'on utilisait depuis le début du rodéo à Berder. Il apparaissait quand la vague numéro 2 mourrait. Quasiment toutes les figures y étaient possibles.
4 : après une heure dans le numéro 3 la digue côté Berder était submergée ce qui créait un magnifique vague lisse qui rejoignait le rouleau 3. Les sensations de glisse étaient au rendez-vous ! De par la vitesse induite par la pente, on y envoyait du surf, back surf , sidesurf , 360, blunt ... seules les figures verticales n'étaient pas possible car le fond était très proche. Tellement proche qu'il était peu rassurant de surfer une vague aussi rapide sur une langue d'eau transparente, voyant les rochers 30 cm plus bas.

La marée montante se termine. Tout devient plat, il n y a plus de courant. Mais pas pour longtemps ! En l'espace de quelques minutes, le courant repart dans l'autre sens. Deux heures plus tard se forment les vagues de la marée descendante.                                                                               

Marée descendante
5 : cette vague est parfaite pour ses premiers surfs (même si il m'arrive encore d'y aller). C'est un joli lisse sur toute la largeur de la veine d'eau. Par coefficient moyen (80-90) une légère mousse se forme a son sommet permettant des rotations à plat et même des minis blunts.
6 : quand la 5 commence à disparaitre se forme un petit rouleau très ludique en 6. Les cartwheels passent, les loops aussi parfois.
7 : (uniquement à très gros coefficient : + de 105). Après s'être aplati le rouleau (6) renait en rive gauche. Cette vague est très rapide, très creuse, mais le fond est très très proche. En aval, il est même plus haut que le fond de la vague (parole de kayakiste, certains y on laisser des morceaux !).

                             Les vagues en marée descendante

Ces sept vagues se formaient deux fois par jour en raison des deux cycles de marée. Il m'est déjà arrivé de faire la montante l'après midi, dîner sur place en attendant la descendante pour la surfer ... puis retourner a 5h du matin refaire une montante ! Prendre le petit déjeuner sur place en attendant la descendante, la surfer, et bien entendu retourner à la montante l'après midi ...

On avait la santé n'est ce pas benjamin !

Berder c'était de janvier a décembre, avec évidemment une pratique plus appréciée l'été (sauf d'un point de vue tranquilité !). On était parfois une centaine sur place les weekends d'été et il y avait de l'ambiance sur l eau comme en dehors !  

Berder c'était aussi avec ou sans neige, avec ou sans nuée de méduses, tout seul comme avec 100 autres kayakistes, la nuit comme le jour ,avant ou après l'apéro, en pleine tempête comme sous le cagnard, avec ou sans bateau (voilier et zodiac ) qui nous chargeait dans les rouleaux, en rentrant du travail a 8h du matin et même 2h après la naissance de mon fils pour arroser ça avec le club ....

                             Ambiance à Berder

Berder, la fin d'un mythe

Berder c'était mon petit coin de paradis ! Mais à l'automne 2009 un projet de réfection des digues a mis un terme à tout cela. Toutes les vagues de la montante furent détruites. Nous avions bataillé dur pour éviter cela, des promesses nous avaient été faites mais n'ont pas été tenues !

Je suis pour ma part convaincu que la mairie a voulu chasser les kayakistes de cet endroit car le projet de  rehausser les digues n'était pas incompatible avec la conservation de trois des quatre vagues de la montante.

Depuis, Berder en montante n'est plus qu'une grosse veine d'eau puissante mais parfaitement plate. Seul un semblant de petite vague est réapparu derrière l'ancienne vague numéro 3 depuis quelques temps. Juste de quoi faire des chandelles pendant 20mn ... Quand a la descendante, les vagues 5 et 6 n'ont pas changé mais cela reste très gentillet. La 7 a elle aussi disparu.

Il m'aura fallu 5 ans pour réussir à prendre du recul et me replonger dans mes derniers rush vidéo pour faire un clip, sous forme d'hommage et de Best-Of. Certainement l'un des plus aboutis.
Voici également un diaporama réalisé avec mes photos, ainsi que des articles de journaux et de CK-magazine.

Il m'arrive encore à l'occasion de retourner là-bas faire une descendante suivie d'une balade sur l'île. Mon fils Kylian y a même donné ses premiers coups de pagaie en eaux vives l'été dernier. Mais a chaque fois j'ai l'impression d'aller sur la tombe d'un vieil ami.

Stéphane Jubier

pour Isac Canoë Kayak

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